Il y avait foule hier soir pour le concert de la rentrée de l'Orchestre National de France au
grand auditorium de la Maison de la radio. Vigipirate oblige, une très longue file d'attente s'était
formée devant le bâtiment, qui se prolongeait loin dans la rue.
Heureusement, on avançait assez vite, et bientôt j'arrivai en vue de l'entrée, où un vigile demandait
à la ronde que nous ouvrions nos manteaux avant notre passage, pour gagner du temps.
Une fois à l'intérieur, il y avait encore le contrôle des sacs, et l'on nous souhaita une bonne soirée,
et un bon concert. Il ne restait plus qu'à faire contrôler le billet et grimper au deuxième balcon,
puis à trouver ma place. J'eus même un programme, une chance inattendue.
Le grand auditorium était très plein, j'avais une vue plongeante sur l'orchestre, entre les barres de protection.
Le programme était composé d'un poème symphonique de Camille Saint-Saëns, d'un concerto de
Henri Dutilleux, et d'une symphonie de Johannes Brahms, interprétés par l'Orchestre national de France,
sous la direction d'Andrès Orozco-Estrada, jeune chef colombien très talentueux. Avant le concert, on nous a
rappelé que 2016 est l'année du centenaire de Dutilleux, et que l'Orchestre National de France a perdu l'un de ses anciens
chefs, en la personne de Kurt Masur, décédé en décembre dernier, à la mémoire de qui ce concert était donc dédié.
Le poème symphonique de Saint-Saëns, intitulé Phaéton, évoquait l'histoire du fils d'Hélios racontée par
Ovide, qui était allé voir son père et avait demandé à conduire le char du dieu Soleil. Celui-ci tenta de l'en
dissuader mais n'y parvint pas, et voici Phaéton lancé dans une course folle, le char lui échappa et brûla
la Terre, créant des déserts... Zeus n'eut d'autre alternative que de foudroyer le mauvais conducteur.
J'aime la mythologie ! En dix minutes, Saint-Saëns évoquait toute l'histoire avec élégance et puissance,
c'était une très jolie œuvre. Plus déroutant était le concerto de Dutilleux, intitulé « Tout un monde lointain... »,
avec une évocation de Charles Baudelaire. La partie de violoncelle était interprétée par Gautier Capuçon,
sur un violoncelle de 1701... Le concerto comportait cinq mouvements enchaînés, intitulés « Enigme »,
« Regard », « Houle », « Miroirs », et « Hymne », qui s'avérèrent assez figuratifs pour l'ignorante que je suis
en matière de musique contemporaine. C'est un concerto intéressant à écouter et à voir en même temps
car les réponses que se font les instruments sont un spectacle à elles seules. Le concerto, comme
le poème qui le précédait, fut très applaudi, Gautier Capuçon fut rappelé plusieurs fois
et nous offrit en bis un morceau gracieux et un peu mélancolique, au titre inconnu.
A l'entracte, je sortis de l'auditorium, et allai regarder les panneaux d'une petite exposition
à la mémoire de Henri Dutilleux, qui est à l'étage du premier balcon.
Le chef Andrès Orozco-Estrada va révéler pleinement son talent dans la symphonie n°1 de Brahms.
Il dirigeait avec beaucoup de mouvements, nerveux, précis, signalant qu'il fallait le regarder, remerciant
d'un sourire, énergique et gracieux, il se donnait à fond. Il a commencé la symphonie d'une manière extraordinaire:
il est monté sur l'estrade, a écarté les bras paumes levées, et dans le même mouvement a donné le départ (aucun choriste
amateur ne serait parti sur un tel départ, mais l'ONF l'a suivi comme un seul homme!) La première symphonie de
Brahms est une oeuvre classique en quatre mouvements dont les deux derniers sont particulièrement
lyriques. Mais la salle était si enthousiaste qu'elle applaudissait après chaque mouvement! (je n'avais encore
jamais vu ça en ce lieu...) Le chef a écourté au minimum la pause entre les troisième et quatrième mouvements,
et terminé sa symphonie en apothéose. Il a salué, remercié, fait lever les musiciens, j'ai eu beaucoup de mal
à le photographier, car il a des mouvements vifs, et je devais viser entre les deux barres (détail prosaïque, pardon!)
Après de nombreux applaudissements et rappels, le public s'est décidé à rentrer chez lui. A la sortie, il y avait des
policiers avec des gilets pare-balles, il s'était passé quelque chose à l'extérieur. Retour brutal à la vie courante
de ce début de XXIè siècle, ils nous ont souri et que nous les avons remerciés d'un sourire d'être là...
Sylvie, blogmestre