Hier soir, je suis allée entendre le violoniste américain virtuose Nigel Kennedy au Théâtre des
Champs Elysées, dans un concert Bach, Kennedy, Gershwin. J’arrive juste avant le début, il n’y a
plus de programmes, je grimpe au premier balcon, où ma place est occupée par une dame qui a été délogée
de la sienne, mais qu’à cela ne tienne, il reste une place libre au premier rang,
juste en-dessous de la place réservée, je m’y asseois.
Sur la scène, il y a des sièges pour les musiciens, un piano, une batterie (que je ne vois pas de ma
place mais que j’entendrai), une contrebasse, des guitares, un théorbe, un divan pour les instruments
délicats (j’aime bien que l’on traite délicatement les instruments de musique), il y aura du côté que
je vois quatre violons, un alto, un hautbois ténor et une flûte traversière basse (ce sont
mes déductions à la longueur des tuyaux), et le violon en chef, qui attend son heure.
Il y a aussi un violon électrique sans coque, très coloré, équipé, m’a-t’il semblé, d’une pédale
wah-wah. C’est sur lui que Nigel Kennedy commence le concert, par une sonate de Bach,
BWV 1001. L’instrument électrique a un écho tout à fait inattendu et intéressant, et sa prestation
est reprise par le violon classique, celui qui se reposait sur le divan. Les violonistes sont habillés
selon les critères des orchestres classiques, ainsi que le hautboïste. Les autres musiciens sont
vêtus plus “casual”, en particulier le chef de la bande, qui est à la fois un violoniste virtuose, et une
personnalité attachante et singulière. Il porte une chemise noire ouverte sur un T-shirt rouge foncé,
les cheveux en crête au gel sur la tête, un pantalon large et court gris, et des sneakers jaune fluo avec
une chaussette bien verte (le trèfle irlandais?) et une bordeaux. Un look qui ne passe pas inaperçu.
Nigel Kennedy nous explique combien il est content d’être avec nous ce soir, précisément dans
cette salle, il le fait dans un français dont la bonne volonté manifeste supplée éventuellement au
vocabulaire, et glisse ici et là un mot en langue maternelle (il nous dira avec humour qu'il a une voix
de la sonorité de celle de Charles Aznavour en français, mais qu'il parle tout à fait normalement en anglais...)
Il évoque sa filiation musicale, nous dit qu’il a été l’élève de Yehudi Menuhin (que j’avais eu
la chance d’entendre en concert au Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg, il y a longtemps).
Il irradie la gentillesse, et tout le concert s’en trouve illuminé. Son interprétation de Bach,
son compositeur favori (il a énormément de favoris, apprendrons-nous), est très personnelle, et très
virtuose. Il y a ensuite un autre de ses compositeurs favoris au programme: lui (tout le monde rit).
Il s’agit d’une oeuvre intitulée “Le magicien de Lublin”.
L’oeuvre est en cinq parties, et elle est polymorphe, inspirée par des influences orientales,
celtiques, européennes de l’est. Les autres musiciens sont en solo ici et là, et nous sont
présentés par leur nom. Je découvre Nigel Kennedy compositeur, et j’aime beaucoup, c’est de la
musique à trouver et à réécouter, un disque à s’offrir pour Noël. Je suis parvenue à trouver
la page du programme à l’entracte en chipant celui de mes voisins, que j’ai restitué à leur retour, mais l’impression
sur fond sombre en lumière faible du-dit programme n’est pas très pratique pour la lecture… Pendant
l’entracte, avant Gershwin, où Nigel nous a conseillé d’aller boire une petite bière ou un
petit vin, je constate que le théorbe se repose de ses efforts sur le divan. A little nap.
Nous reprenons le concert après l’entracte, la dame qui occupait ma place est partie, je remonte d’un rang,
on voit un peu mieux les instruments. Les musiciens se lancent dans le jazz, une musique qui peut,
comme chacun sait, donner lieu à d’infinies variations, pendant des dizaines de minutes.
L’enthousiasme était monté progressivement dans la salle du théâtre, et les applaudissements
aussi.J’imagine qu’après les boisons recommandées, le concert a du se terminer dans l’euphorie
générale! J'imagine seulement, car je suis sortie avant la fin, vers 22h30, alors que l’orchestre
attaquait Summertime (le morceau que je connaissais le mieux du programme, quel dommage!) car
j’accusais la fatigue, et souhaitais profiter de la proximité des Champs-Elysées pour faire quelques courses
de première nécessité avant de rentrer chez moi, et avant fermeture. L’avenue Montaigne est remplie de
guirlandes blanches et les Champs Elysées sont parés de guirlandes rouges.
La circulation est dense, c’est comme si tous les habitués des lieux faisaient leur plein de Champs
avant leur bouclage par la police… Quelques antalgiques achetés à la pharmacie (bien contente
de les avoir ce matin!), et une halte au Monoprix de l’avenue la Boétie plus tard, je reprends le métro,
puis le RER et arrive chez moi à minuit et quarante-et-une minutes. Time for a night snack. Cheers, Nigel!
Sylvie, blogmestre