J'ai entendu hier soir le premier concert du cycle Piotr Ilitch Tchaïkovski à l'Opéra Bastille,
par l'Orchestre national de l'Opéra de Paris, sous la direction de Philippe Jordan. Ces concerts,
au nombre de trois, proposent chacun deux des six symphonies écrites par le compositeur russe.
J'avais loué l'avant-dernier strapontin encore vacant du parterre, et comme quelques places vides dans les rangées
avaient créé un réaménagement, j'avais une vue complètement dégagée sur la scène, d'assise un peu instable,
certes, mais un grand bonheur visuel. Et auditif, bien entendu, mais cela va de soi à l'Opéra Bastille.
En revanche, étant arrivée vraiment tard (suite à un accident voyageur sur la ligne du RER B), je n'eus pas de
programme, mais profitai de l'entracte pour prendre des photos de celui d'un voisin (c'était notre manuel de survie à
l'usage des retardataires...) Le moyen mis en oeuvre n'a bien fonctionné que pour une page et demie.
Les deux symphonies programmées pour la soirée étaient la première, en sol mineur, dite
"Rêves d'hiver", et la cinquième en mi mineur. A l'exclusion de la troisième, toutes les
symphonies de Tchaïkovski sont en mode mineur, ce qui traduit le caractère passionnel et
tourmenté de l'artiste (voir l'article sur la sixième symphonie écrit récemment sur ce blog).
Pour sa première symphonie, créée en 1866 à Moscou, il se rendit malade en la composant, tant il
y mettait de lui-même. Elle s'appelle "Rêves d'hiver" car il venait de de s'établir à Moscou quand il
l'écrivit, après avoir vécu à Saint-Petersbourg (l'hiver doit être plus rude à Moscou, qui est à l'intérieur
des terres, quoique les gravures de la Neva l'hiver au XIXè siècle montrent un enneigement conséquent).
Il écrira à sa mécène et amie Nadejda von Meck que cette première symphonie, quoique un peu
immature, est beaucoup plus riche que les suivantes. Les évocations sont plutôt celles de
paysages intérieurs, dans lesquels l'âme slave du compositeur transparait. Elle connut un grand
succès dès sa première interprétation, ce qui rassura probablement l'esprit inquiet de son auteur,
prompt à se remettre en question et à plonger dans l'humeur mélancolique
(le 4è mouvement de l'oeuvre est quand même baptisé "andante lugubre"...)
La cinquième symphonie, créée en 1888 à Saint-Petersbourg, et dirigée par Tchaïkovski, fut bien
accueillie par le public, mais non par la critique, ce qui instilla le doute dans l'esprit du compositeur.
Heureusement, un an plus tard à Hambourg, tout le monde était d'accord pour saluer l'oeuvre!
Cette symphonie, qui fait partie du groupe des "symphonies du fatum" (destin), est la seule qui
contient un motif cyclique revenant dans les quatre mouvements, symbolisant la providence.
C'est l'avant-dernière symphonie de l'auteur, avant le testament de la "Pathétique" sixième.
J'ai beaucoup aimé la première symphonie, vive, et ayant, je pense, inspiré des musiques de films car
je reconnaissais ça et là de petits leitmotifs repris à l'écran. La cinquième symphonie était très belle aussi,
j'en ai surtout aimé le troisième mouvement, valsant, très évocateur de la musique de ballet qui
a fait la renommé quasi-universelle de Tchaïkovski. L'orchestre était comme toujours, extraordinaire,
emmené par un Philippe Jordan en grande forme, qui ne ménageait pas son énergie.
J'ai apprécié de voir cet orchestre sur scène, sorti de la fosse d'orchestre d'où il joue pendant
les opéras. Le concert a été enregistré par trois caméras de télévision, deux sur roulettes aux
coins de la scène et une à l'épaule déambulant parmi les musiciens, il sera retransmis en direct
sur Culture box et le site de l’Opéra de Paris, puis ultérieurement sur France 3 et Mezzo.
Les deux autres concerts du cycle Piotr Ilitch auront lieu le 27 mars et le 15 mai 2018.
D'excellents concerts en perspective, que je recommande aux amateurs de Tchaîkovski.
La scène était équipée, comme on le voit ci-dessous, de la conque acoustique qui empêche le son de
se diffuser vers l'arrière et le redirige vers les auditeurs, ce qui donnait une excellente acoustique.
Le concert fut très applaudi, bissé, un peu trop tard, nous avons failli avoir un bis, mais des spectateurs étant déjà
sur le départ, le bis ne se fit pas. Le concert, rappels compris, se termina vers 22h10.
Sylvie, blogmestre