15 février 2017 3 15 /02 /février /2017 09:15

Hier soir, j'ai passé la Saint-Valentin avec Jean-Sé et Philippe. Et deux milliers de mélomanes,

réunis avec une petite centaine de choristes, solistes et musiciens dans le grand

amphithéâtre de l'Opéra Bastille, autour de ma messe emblématique préférée...

la Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach, oeuvre monumentale de plus de deux heures.

 

Messe en si mineur

C'était un concert de musique sacrée chanté par cinquante choristes du choeur de l'Opéra national

de Paris, avec l'orchestre de l'Opéra, dirigés par Philippe Jordan. J'avais la place depuis 4 mois!

Messe en si mineur

Dans le programme ci-dessus, Philippe Jordan expliquait qu'il faisait chanter un répertoire

classique à ses choristes lyriques pour entretenir leur souplesse et leur légèreté vocale,

et que Bach constituait, à cet égard, une véritable gymnastique musicale. Il n'avait pas

choisi l'oeuvre au hasard, mais pour son caractère hétéroclite, et parce qu'elle était

l'une des oeuvres chantées les plus difficiles pour le choeur.

 

La messe en si mineur est hétéroclite car elle a été composée de pièces qui existaient déjà dans l'oeuvre de Bach.

Le Gloria, par exemple, est une cantate. Au départ, le compositeur avait proposé la première partie de la messe, celle

qui va du Kyrie au Cum sancto spiritu. Par la suite, il ajouta la deuxième partie, et en fit une messe catholique, en

ajoutant un Sanctus (qui n'existe pas dans les messes protestantes) . La tonalité dominante est le si mineur,

mais on y trouve d'autres tonalités, notamment le ré majeur.

Messe en si mineur

J'étais tout en haut du 2è balcon, de face. La visibilité s'étant un peu réduite quand mon voisin de devant

s'assit (je ne voyais plus le chef, drame!), je passai à la place 3 qui était libre, deux places plus loin.

Le choeur et l'orchestre s'installent

Le choeur et l'orchestre s'installent

Voici le choeur et les musiciens. Vous constaterez qu'il y avait, pour cinquante choristes,

une bonne quarantaine d'instruments de musique, que le choeur dominait sans problème, ce qui

donne une idée de la puissance des choristes. De ma place, je n'entendais pas le clavecin ni l'orgue

de manière distincte, j'entendais les cordes, les cuivres, les vents, les timbales. Et les voix.

 

La messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach, pour les nouveaux lecteurs de ce blog, est l'oeuvre chorale préférée

de Pierre Molina, chef de choeur des Choeurs de Paris 13, où j'ai chanté pendant 9 ans. En 2008, j'ai donc appris la

messe en si mineur, en soprane 2, car elle comprend des choeurs à deux voix de sopranes. J'ai eu l'occasion de la

chanter trois fois en concert, en l'église de la Trinité à Paris, en la cathédrale Saint-Pierre de Lisieux, en l'église de Rupt

sur Moselle, dans les Vosges. A la suite d'un remaniement des effectifs des CP13, j'ai aussi appris la voix de

première soprane. Pendant le concert d'hier soir, j'ai oscillé toute la soirée entre les deux voix de sopranes...

Il était amusant que, l'année où je suis passée à l'apprentissage du lyrique, le choeur de l'opéra ait fait la démarche

inverse, chantant la Messe en si mineur, alors que je vais chanter Carmen...Echange d'expériences intéressante!

Messe en si mineur

Dans le très long premier Kyrie qui ouvre la messe, en tonalité de si mineur, on constatait les différences

entre le choeur lyrique et le choeur classique, le choeur lyrique ayant une interprétation moins coulée,

moins legato, avec des notes tenues plus courtes, des attaques plus marquées, et une façon très

particulière de chanter les croches par deux. Il y avait un effort notable pour gommer le léger vibrato,

qui disparut complètement par la suite. En revanche, et Philippe Jordan en parlait dans le livret, le

choeur lyrique a une légère hétérogénéité que l'on s'applique à effacer dans le choeur classique,

alors que la pratique de l'opéra mettrait plutôt cette caractéristique en relief. J'admirai le deuxième

Kyrie, musicalement un peu torturé, superbe et donnant hier soir une fausse impression de facilité,

et souris devant l'explosion de la tonalité majeure retrouvée dans le Gloria. Les solistes étaient très bons,

mais la vedette de la soirée, c'était vraiment le choeur. Pour une fois, sur cette scène d'opéra où ces

choristes lyriques accompagnent des solistes à longueur d'année, les divas c'était eux!

 

Il y eut le redoutable Qui tollis, et ses demi-tons qui ne demandent qu'à vous faire baisser si vous n'y

prenez garde... impeccable. Puis le Cum sancto spiritu jaillit comme un feu d'artifice, me donnant des

frissons dans le dos! (je précise que je n'ai pas de manifestations physiques en le chantant...passer de

l'autre

côté est intéressant pour se rendre compte aussi de l'effet que l'on produit sur les auditeurs!)

Il clôturait cette première partie, brillamment exécutée. Je notai au passage l'excellente performance

des ténors dans la partie de fugue où ils sont solistes. Quand Philippe Jordan eut baissé les bras,

je lançai les applaudissements dans mon quartier du 2è balcon.

Messe en si mineur

Les musiciens des grandes formations institutionnelles étant tenus, pour raisons syndicales, de ne pas jouer plus d'une

heure et demie d'affilée, je crois, il y eut un entracte. Le concert reprit sur les deux Credos, le premier

à cinq voix SSATB, "Credo in unum Deum", fut enchaîné avec le second "Patrem omnipotentem",

plus claquant, plus brillant, à quatre voix SATB, avec une tessiture plus aiguë en soprane. Après un solo

qui permit au choeur de récupérer, il enchaîna le "Et incarnatus est", où j'observai que les choristes

détachaient le "Et" de l'attaque comme nous le faisions, en douceur. Suivit le Crucifixus, terminé par un

très beau pianissimo du choeur, digne et recueilli. Puis l'explosion de joie du "Et resurrexit", à cinq voix

SSATB, un choeur difficile mais superbe à chanter. Ci-dessous les petits secrets de la partition:

 

 

 

La messe en si mineur est une messe très contrastée, qui explose volontiers. Elle explosait hier soir

d'autant plus que les choristes de l'Opéra national de Paris sont capables de nuances très riches,

et passaient du super-pianissimo du Crucifixus au super-fortissimo du Et resurrexit sans aucun

effort visible (ce qui est moins aisé pour des choristes amateurs, je le confesse!) J'ai noté au passage la

belle performance des basses, cette fois, très à l'aise dans leur partie soliste sur ce morceau.

Après un dernier solo, la partie Credo se conclut par le Confiteor, que j'ai autrefois qualifié de "lego

musical" parce qu'il est formé de briques qui s'emboîtent, et que l'on sent que Bach a joué pleinement avec ces

briques "confiteor" se répondant dans les cinq pupitres. "Et expecto... expecto... resurrectionem mortuorum!"

concluait gaiement cette partie du programme, c'était le dernier morceau du choeur avant l'apothéose...

 

Messe en si mineur

Dans la dernière partie de la messe en si mineur, Bach a imaginé d'enchaîner trois choeurs difficiles:

un Sanctus lancinant, inimitable, impossible à confondre, à cinq voix, un "Pleni sunt coeli" à six voix en

doubles croches, très rapide et complètement épuisant, et un Osanna à huit voix, en forme de double choeur.

Après le passage solo du Benedictus, le Osanna est bissé... (comme dans toutes les messes)

Ci-dessous, un enchaînement des trois morceaux, par un choeur classique, le concert d'hier soir était

d'interprétation différente, car les voix lyriques sont plus riches en harmoniques, de différentes hauteurs,

que les voix des choristes classiques, mais cela donne une idée de la difficulté et de la beauté des trois choeurs

 

 

 

C'est le dernier flamboiement de la messe en si, l'équivalent du bouquet final d'un feu d'artifice. Ces

trois choeurs furent effectués avec maestria par le choeur de l'Orchestre national de l'opéra, qui sortit

toute sa puissance dans le bis du Osanna, au point que l'on aurait cru le concert fini. Mais l'oeuvre

se termine de manière apaisée, par l'Agnus Dei, un solo, suivi du Dona nobis pacem du choeur.

Je n'ai pas parlé des solos, qui étaient très bons, car on sentait la volonté de mettre les choristes

en avant dans ce concert, et parce que je parle mieux de ce que je connais bien. Quand j'avais appris la voix de

deuxième soprane du choeur, j'avais été frappée par le répit qu'elle apportait aux premières sopranes en les relayant

dans les hauteurs ici ou là pour leur laisser le temps de récupérer. Hier soir, les voix de solistes m'ont fait un effet

semblable, elles ont leur valeur propre, mais permettent aux choristes de retrouver l'énergie de continuer.

Ci-dessous, le témoignage de la satisfaction du public à la fin du concert

 

 

La scène est noire, c'est assez sombre, mais l'engouement du public était là!

La salle était pleine d'ailleurs, et il n'y avait plus de places en vente, à ma connaissance.

Il y a donc un public enthousiaste pour de grands concerts de musique sacrée à l'Opéra Bastille...

 

Sylvie, blogmestre

PS: le choeur de l'ONP a commenté cet article, je l'en remercie beaucoup (surtout les ténors! ;-)

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commentaires

L
Le choeur de l'ONP (et surtout les ténors) tiennent à te remercier infiniment pour ce compte rendu si beau et si riche en compétences musicales.
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B
C'est très gentil à vous, ça me touche beaucoup! Le tutoiement aussi, je ne suis qu'une choriste amateur, même si je chante la messe en si. C'était un superbe concert, vous avez été magnifiques.

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