Je n'étais pas retournée à la Philharmonie depuis le départ de Philippe Jordan... en septembre 2020, lors d'une réouverture
des salles de concert qui n'avait pas duré. Ayant abondamment eu ma part de coronavirus avant de pouvoir enfin être
vaccinée entre deux contaminations, et avoir enfin un passe sanitaire durable, le retour aux concerts s'était fait progressi-
vement, en plein air en août 2021 à la Manufacture des Gobelins, puis plus loin, au Théâtre des Champs Elysées en janvier
2022, et enfin, encore plus loin, à la Philharmonie. Il n'était pas question que je rate Fantasia en ciné-concert.
C'était le 26 janvier, un mercredi, une séance familiale, comme celle où mon père emmena jadis au cinéma
ses enfants, voir la version de 1940 du dessin animé musical de Walt Disney, qui repassait sur les écrans français. Mercredi
dernier, à la Philharmonie, il y avait des bambins, mais aussi des parents, et des grands-parents venus... sans enfants.
L'orchestre de Paris, dirigé par Timothy Brock était presque en place quand j'arrivai. Timothy Brock est un expert en
cinéma muet, et il s'intéresse actuellement à l'un de mes acteurs de muets favoris, Buster Keaton... J'avais réservé un siège
près de l'écran, de biais, que je pus changer, car (était-ce la mise en place du passe vaccinal?) il restait des sièges libres
plus éloignés mais plus confortables pour la vision. Fantasia fut le premier long métrage de Walt Disney,
sur des extraits d'oeuvres connues de grands compositeurs. Il y eut une version 1940 et une
version 2000, le concert présentait une sélection des deux éditions.
La première partie comportait cinq extraits musicaux, et la deuxième, après l'entracte, en annonçait quatre.
Le film commençait en fureur par la 5è symphonie de Beethoven, illustrée par Jupiter s'amusant à
lancer des éclairs forgés par Vulcain sur un petit peuple effrayé de créatures imaginaires. La 6è
symphonie prenait le relais en transportant Bacchus dans une barrique sur des flots de raisin fermenté.
Puis le Casse-noisettes de Tchaïkovski mettait en scène des danses de champignons, de fleurs, et
d'autres créatures, au son cristallin du célesta, plongé dans la pénombre. Suivaient la suite bergamasque
de Debussy, et l'Oiseau de feu de Stravinski, où l'éruption d'un volcan réduisait en cendres une forêt
poussant sur ses flancs, qu'une petite fée verte, aidée d'un cerf, parvenait à ressusciter.
J'eus une pensée pour Notre-Dame... et la résurrection en cours de sa forêt après les ravages de l'Oiseau de feu.
La deuxième partie de la projection était burlesque. Débutant par la Danse des heures de Ponchielli,
un alligator formait un couple improbable avec une hippopotame en tutu et ballerines dans des
entrechats endiablés, relayés par Mickey Mouse en apprenti sorcier de Dukas, ayant usurpé le chapeau
de son maître et déclenché une catastrophe par l'entremise du balai magique. L'apogée du grandiose
fut atteint dans Pump and circumstance d'Elgar, où le couple Donald et Daisy Duck était chargé
de gérer (!) la conservation des espèces animales dans l'arche de Noé... Le dernier épisode prévu était
les Pins de Rome de Respighi, illustré d'un ballet aquatique de cétacés.
Nous applaudîmes abondamment, le chef sortit, revint... puis la lumière s'éteignit et il y eut un bonus,
un dixième dessin animé, une surprise du chef. Flamands roses et yoyo, envols et figures, règlements
de comptes entre volatiles, se déployaient sur le Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saens...
un Français compositeur pour clore en beauté l'American movie projeté à Paris.
Merci au chef et à l'orchestre, merci au personnel de la Philharmonie, ce fut une belle après-midi, et tous
ces cartoons (quel talent, quelle créativité...) redécouverts m'enchantèrent autant que quand je les avais vus à dix ans.
Sylvie, blogmestre