Samedi 18 janvier, pour la 250è année de la naissance de Beethoven, il y avait à
la Philharmonie de Paris la réplique du super-concert que le compositeur donna à Vienne en 1808,
dans lequel il présenta à la fois ses 5è et 6è symphonies, trois choeurs d'une messe en ut majeur,
un concerto pour piano, un air lyrique pour soprano, deux fantaisies pour piano dont une avec
choeur et orchestre. Le concert de 1808 avait pour but de sensibiliser les auditeurs à toutes les
facettes du talent du compositeur, chef d'orchestre et pianiste, et ainsi d'obtenir davantage de
subsides de la part de ses généreux mécènes. Samedi soir, à la Philharmonie, il y avait
deux concerts successifs, interprétés par le Wiener Symphoniker, dirigé par
Philippe Jordan, pour le même programme de 1808.
Les réservations étaient complètes, mais je parvins à acheter un billet à la revente, au dernier rang
du 2è balcon, derrière la scène, d'où l'on voyait très bien, en se penchant en avant. Le concert
de 16h30, pour lequel j'avais un billet était celui de la 6è symphonie.
Malgré le retour annoncé des transports en commun, et mon départ précautionneusement avancé,
nous avions été bloqués dans chaque gare du RER B à partir de Port-Royal. A peine étais-je
descendue, à Châtelet, que c'était la ligne 1 du métro (pourtant automatisée) qui tombait en panne...
Finalement, en zigzagant, j'étais arrivée in-extremis dans la salle de concert, alors que l'on
applaudissait l'orchestre et le chef, et j'eus juste le temps de m'asseoir avant les premières notes.
J'avais une vue imprenable sur les bois qui allaient gazouiller dans la symphonie pastorale...
Cette interprétation d'une oeuvre que je connais par coeur par un orchestre viennois,
a priori dansant, même symphonique, dirigé par un chef d'orchestre d'opéra, a priori
lyrique, fut d'une intensité dramatique et picturale surprenante. Dans la scène de l'orage,
je vis la coccinelle éjectée de sa feuille par l'impact brut de la pluie, et la grenouille béate levant son
joli regard de myope cerclé d'or vers l'eau du ciel. Puis quand la rivière se calma, après
moult remous et soubresauts, je réalisai soudain à quel point cette musique avait
dû inspirer Smetana pour la Moldau (Vltava), la rivière qui traverse Prague, dans l'une
des scènes du poème symphonique consacré à son pays, qu'il écrivit 50 ans plus tard.
J'aime la sixième symphonie pour son côté nature, son bonheur bucolique sans
arrière-pensées, sans contenu politique ou héroïque (mais peut-être deviendra-t'elle un jour
un hymne environnemental...), la simplicité de ses évocations champêtres, ses oiseaux.
Même quand le ciel gronde, on sait que la coccinelle remontera sur sa feuille, qu'il
n'y aura pas de morts par inondation, que les paysans retourneront à leurs champs,
et que le blé blondira sous le soleil revenu. Au XIXè siècle c'était une description rurale
et naturaliste. Au XXIè siècle, c'est le souvenir charmant de ce qui fut, mais qui a
été modifié par l'homme, au point que tout phénomène naturel peut dégénérer en
catastrophe. Les coucous de la symphonie sont les victimes collatérales de la disparition des petits
oiseaux, dont ils ne peuvent plus usurper les nids pour se reproduire, et les cailles sont emballées
au rayon surgelés des magasins pour les fêtes de fin d'année... La nuit dernière, vers six heures
du matin, j'ai été réveillée par le chant d'un merle, rossignol des banlieues, et suis
allée ouvrir la fenêtre pour écouter avec surprise ce petit chanteur nocturne qui s'expri-
mait bravement au milieu de l'hiver gelé. Rossignol, caille et coucou constituent le trio
d'oiseaux de la symphonie pastorale, incarnés par la flûte, le hautbois et la clarinette.
A la fin de cette superbe interprétation de la sixième symphonie de Beethoven, qui
fut très applaudie, le chef salua et fit lever les pupitres, ci-dessus les instruments
à vents. Des personnes sortirent, je pensais qu'il s'agissait de l'entracte (il n'y avait plus de livret
à mon arrivée dans la salle), mais après un remaniement de l'orchestre, le chef revint
accompagné d'une jeune femme blonde habillée d'une robe bleue. S'ensuivit un
"air de concert" nommé "Ah! perfido" où une soprane (je pense qu'il s'agissait de
Jacquelyn Wagner) parvient à s'imposer par dessus une quarantaine d'instruments
principalement des cordes, bois et aussi quelques cuivres. J'ai aimé, mais compris
au coup de barre qui me frappa qu'il était probablement temps de rentrer chez moi. La soprano
fut très applaudie, avec des bravos sonores lancés par le public
pour son étonnante prouesse vocale.
Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessus, l'appareil photo fut lui aussi victime d'un coup
de barre... Je suis sortie du bâtiment, recevant au passage un jeton de rentrée pour la deuxième
partie, qui durait jusqu'à 18h50 (jeton que je restituerai à mon prochain passage). L'air frais me fit
du bien, mais je sentis que l'heure à venir serait en trop par rapport à ma petite forme actuelle.
Etait-ce la fraîcheur? L'appareil photo avait retrouvé sa netteté... Je pris le tram Porte de Pantin, et
bien m'en prit, un autre incident étant survenu à Châtelet, selon des passagères qui montèrent en
chemin. Un second tram puis un bus plus tard, et j'étais de retour chez moi, après une halte en
pharmacie. Contente d'être parvenue à aller entendre cette belle symphonie.
Heureuse de mon après-midi! Merci à l'orchestre symphonique de Vienne, à
Philippe Jordan, et aux solistes et choristes que j'ai pu ou n'ai pas pu entendre.
Sylvie, blogmestre
PS: le concert original donné par Beethoven en 1808 fut semble-t'il raté, tant
pour la longueur de la prestation devant des auditeurs accoutumés à plus court,
que parce que les musiciens avaient été recrutés à la hâte et avaient trop peu répété.
Pour tout compliquer, le compositeur, peu amène, s'accrocha avec nombre de ses
exécutants. Néanmoins, il a son fan-club fervent, même parmi les plus jeunes, voir ci-dessous.