J'ai vu hier soir, au Dôme de Paris (Palais des Sports), la fresque musicale "Jésus, de Nazareth
à Jérusalem". La semaine de la Toussaint paraissait être une période appropriée.
Partie de chez moi vers 18h30, je pris une photo du chantier de la future ligne 15 sud qui nous prive actuellement
de RER B, en attendant le bus pour Paris, vers 18h50 (lundi prochain, nous récupérons le RER !)
Eu égard à mes déboires de la veille, j'avais compté le temps de trajet largement, et comme j'étais très
en avance, je pus faire de petites courses en route. Le spectacle commençait à 20h, Porte de Versailles.
J'étais assez partagée par rapport à ce spectacle: il est difficile et délicat d'aborder un récit historique,
devenu religieux, sans risque. Il y a le risque de blesser les convictions ou les croyances, le risque d'en
faire trop ou trop peu, de verser dans le ridicule, ou dans le fanatisme. En même temps (par Jupiter!),
la musique sacrée abonde d'oeuvres mettant en scène les mêmes textes évangéliques. J'étais donc
allée voir ce que Pascal Obispo et Christophe Barratier avaient fait de Marc, Matthieu, Luc, Jean,
Jésus, Jean-Baptiste, Marie, Judas, Marie-Madeleine... en ce début de XXIè siècle.
Nous avions été replacés dans la partie centrale de la salle, que voici du replacement où j'étais
initialement. Consatant au début du spectacle qu'une rangée surélevée derrière moi était vide,
j'y ai occupé une place, qui me permettait de mieux voir la scène. Voici la troupe de la fresque:
La fresque se compose de multiples tableaux successifs, parlés et chantés, et aussi dansés.
Les auteurs se sont exprimés dans les médias, Pascal Obispo, qui a écrit la musique, voulait parler
de l'homme Jésus, un individu extraordinaire, peut-être le plus connu de l'histoire humaine. Mais
l'objectif du musicien n'était pas religieux. On apprend quand même que les auteurs ont travaillé
avec un théologien, et qu'ils étaient en contact avec les associations religieuses, qui avaient un
regard sur le script. Christophe Barratier, qui a réalisé le film "Les choristes" avec le succès que l'on
sait, s'est soucié de ne pas choquer et de respecter les spectateurs. C'est ce qui explique que l'on ne
se soit pas appesanti sur les scènes violentes, pas de crucifixion visible, la flagellation est donnée
hors de la vision directe, en ombres chinoises sur le fond de la scène, avec la couronne d'épines.
Les costumes et les décors, qui peuvent être complexes, sont fidèles à la notion que nous en avons.
La mise en scène est soignée et très efficace. Il y a des trouvailles, comme les statues animées.
Les écueils que je craignais ont été soigneusement évités. Le spectacle est prenant, les personnages
sont extraordinairement vivants, quoique je les pense un peu infidèles aux originaux. Ce qui n'est
pas surprenant, puisqu'ils sont pensés exclusivement en humains, la dimension divine étant
seulement suggérée, par les propos que l'on rapporte avoir entendus.
Le chanteur qui interprète Jésus est Libanais et s'appelle Mike Massy. Les chants qui ont été écrits pour
lui nécessitent une tessiture assez aiguë, et quoique j'aime beaucoup les voix hautes chez les hommes, Jésus me
semble plus conforme à son rôle en baryton ou en deuxième ténor. Mais je pense à son rôle messianique, le
compositeur le voit seulement comme un homme remarquable... C'est là que nous touchons à l'ambiguïté de
la position des auteurs. Ce n'est pas une oeuvre pédagogique chrétienne, mais il est quand même
nécessaire de connaître le Nouveau Testament pour comprendre tout ce qui n'est pas dit ni montré.
Les miracles, par exemple, sont suggérés, car trop difficiles à mettre en scène: on voit Pierre et ses amis partir à la
pêche sur l'injonction de Jésus. Si l'on ne sait pas que la pêche sera miraculeuse, on reste un peu court. En revanche,
nous voyons bien Lazare sortir de son tombeau entortillé de bandelettes (ce n'est pas difficile à mettre en scène,
et les morts-vivants effraient peut-être moins les gens qu'une pêche miraculeuse!) Ci-dessous un reportage de
la chaîne KTO, qui voit dans cette fresque l'occasion de plonger dans le monde de Jésus:
La première partie de la fresque va du baptême de Jésus, à la décapitation de Jean le Baptiste sur
demande d'Hérode. La deuxième partie va de la Cène à la résurrection de Jésus, seulement évoquée.
Le Golgotha est ... la travée centrale de la salle, que Jésus remonte dans le noir, faiblement éclairé,
portant sa croix, entouré de soldats romains. Il y a de la subtilité dans la fresque, la scène de la tentation
dans le désert, et surtout le personnage de Satan, inattendu, peuvent être lus à plusieurs niveaux.
De la même manière, la confrontation de Jésus à Pilate, au milieu des marbres de dieux romains
qui s'égaient en présence du Messie chrétien était politiquement intéressante...
Joseph est le grand absent de cette fresque, dommage. Les deux personnages féminins principaux
ont des voix remarquables, Marie (Anne Sila) et Marie-Madeleine (Crys Nammour), superbe.
Je ne l'ai pas trouvé dans les articles en ligne, mais il y a eu un précédent fameux de musicalisation
de la fin de la vie de Jésus, auquel la chanson de Marie-Madeleine dans la fresque faisait penser,
à moins qu'il s'agisse d'une référence discrète, Christophe Barratier qui fait des films musicaux
ne pouvant ignorer "Jesus-Christ superstar" de 1973 (mais qui était clairement dans la religion,
sous ses aspects provocants et politiquement incorrects... voir Jésus et Pilate ici) Je dirais que c'est un
spectacle tout public, agréable, une bonne soirée, qui peut donner envie d'en savoir plus.
Ci-dessus les saluts, sur fond de musique orientale. L'homme en bleu est Satan (vous ne l'auriez
pas reconnu?), puis il y a le grand prêtre Caïphe, Ponce Pilate (vous l'avez reconnu!), Pierre,
Matthieu et Judas, Marie-Madeleine, Marie, et Jésus. Le public a beaucoup aimé! (moi aussi).
Musicalement je préfère néanmoins Jesus-Christ Superstar, qui est plus torturé et plus poignant, une vraie Passion.
Nous sommes sortis un peu avant 23h,je suis rentrée chez moi un peu avant minuit.
Sylvie, blogmestre