Il y avait hier soir dans la grande salle de la Philharmonie, une version de concert
de l'opéra de Mozart La Flûte enchantée, concert auquel j'ai assisté.
Il s'agissait d'une place d'occasion, dont je vais mettre l'attestation d'achat* en ligne.
J'étais tout en haut de la salle, à l'avant-dernier rang du 2è balcon.
Le concert était donné par l'ensemble Les Talens Lyriques, en coproduction avec
l'Opéra de Dijon, la Maîtrise de Dijon, et des solistes, sous la direction de Christophe Rousset.
J'avais revu la Flûte enchantée à l'Opéra Bastille le 27 janvier, l'argument du spectacle était donc tout
frais dans ma mémoire. Dans la mise en scène de l'opéra vu en janvier dernier, les personnages étaient
en noir ou en blanc, dans un décor dépouillé mais suggestif. Le découpage noir/blanc, manichéen,
enlevait de l'éclat à la comédie dramatique voulue par Mozart. Sans mise en scène du tout, c'est à dire
en tenue de concert, j'avoue que j'ai eu un peu de mal. Le souvenir frais de l'opéra explicite me rendait
le scénario compréhensible, mais en allait-il de même pour les autres spectateurs?
L'expérience du dépouillement de la mise en scène était d'ailleurs un peu étrange, car Die Zauberflöte
a été écrite pour un théâtre populaire de Vienne, avec des costumes bariolés, des effets plus ou moins
de bon goût, c'était de la réjouissance plébéienne au sens positif du terme. Avec ses éléments subversifs
cachés dans le décorum égyptien antique. Que reste-t'il de l'idée que Mozart se faisait de son opéra
populaire dans un concert en salle? Une version intellectuelle et culturelle pour auditeurs pré-informés
(dont je suis). S'agissant de la forme "Singspiel", qui alterne le chant et le récit, et dont l'essentiel de
l'action se situe dans le récit non chanté, l'absence de visuel crée un vide réel, puisque l'imagination
du spectateur doit s'y substituer. Dès l'affaire du serpent qui ouvre le premier acte, il fallait imaginer
"le monstre" qui ne nous était pas montré, et s'en était pris à Tamino. Lors de l'évocation d'Isis et
d'Osiris, il fallait imaginer seul les dieux de l'Egypte antique, si l'on s'en souvenait.
Bien sûr, la musique était belle, mais c'était une musique conçue pour être accompagnée d'une mise
en scène d'opéra, d'une mise en scène plutôt chargée. Il y eut les airs que chacun connait,
l'introduction, le finale choral, et summum du solo, la Reine de la nuit, vêtue d'une robe noire étoilée,
suivie par plus de deux mille regards dans son air suraigu et rapide (j'y arrivai quand j'étais plus jeune,
mais jamais aussi vite!), ainsi que le solo désespéré de Pamina, et le duo Papageno-na. L'orchestre,
que j'avais entendu dans Armide de Lully et dans Didon et Enée, de Purcell, était excellent à son
habitude, sous la direction éclairée de Christophe Rousset. Les solistes étaient excellents aussi, ainsi
que le chœur de l'Opéra de Dijon. Les trois enfants en revanche avaient un peu de mal, le trac je pense, d'être dans
cette grande arène avec les spectateurs qui les scrutaient à 1,50m, brrrr! Mais ils ont vaillamment fait face, joli courage!
Vous me direz que c'est la même chose lorsqu'on écoute la Flûte enchantée sur un CD (comme de
nombreuses personnes, je l'ai entendue sur disque avant de la voir à l'opéra). Certes, mais la musique pure
se prête mieux au CD que l'opéra, qui est plus agréable en DVD. Le livret de la soirée citait Mozart
écrivant à son père que sa plus grand passion était d'écrire des opéras, le livret commentant que,
comme les femmes à Don Giovanni, la musique théâtrale était la passion dominante de Mozart.
Je pense que La Flûte enchantée a idéalement besoin d'un support visuel, tant pour sa durée
(deux heures et demie), que parce que c'est dans cet esprit qu'elle a été conçue.
Pendant le concert, je pensais avec amusement à l'un des chefs d'orchestre avec qui j'ai eu le plaisir de chanter
le Requiem de Mozart, et qui n'aurait pas ajouté un demi-soupir d'interprétation parce qu'il fallait "jouer et chanter
comme Mozart l'avait écrit". Puriste extrême. Et aussi, plutôt avec compassion, à ce pauvre Mozart, dont les deux
dernières œuvres furent le Requiem, et cet opéra, qu'il voulait très drôle, mais dont la musique et les paroles du
livret, dépouillés de leur mise en scène gaudriolesque, sont par moments franchement angoissées.
Le concert se termina vers 22h30, et je repartis au cours des rappels, pour ne pas rentrer chez moi trop tard
(ce fut 23h15, un retour exceptionnellement rapide, coup de chance!)
Sylvie, blogmestre