J'ai entendu mardi soir en concert à la Philharmonie l'Orchestre du Conservatoire de Paris, sous
la direction de Jean-Claude Casadesus, dans un programme composé de l'Ouverture de Coriolan,
de Ludwig van Beethoven, de Prélude et mort d'Isolde de Richard Wagner,
et de la Symphonie fantastique de Hector Berlioz.
J'avais une très belle place, proche de la scène, voici une vue de la grande salle depuis cette place:
L'Orchestre du Conservatoire de Paris comporte 350 instrumentistes, réunis en formations variables
selon les oeuvres abordées et les chefs invités. Ils étaient une centaine pour ce concert,
et ce qui frappait c'était la diversité de leurs origines, et leur jeunesse. On ne présente plus
Jean-Claude Casadesus, dont la biographie est particulièrement impressionnante, et que j'étais très
heureuse de voir diriger, pour la première fois. Le fil rouge du concert était "trois récits d'amour
et de mort", sous-titré "Coriolan déchiré", "Isolde exaltée", et "Berlioz foudroyé".
Ci-dessous, l'orchestre vu de ma place après l'Ouverture de Coriolan.
Au départ, l'Ouverture de Coriolan de Beethoven "ouvrait" une tragédie éponyme de von Collin,
"Coriolanus". L'Ouverture de Beethoven a acquis son autonomie, et on la présente actuellement seule
en concert. L'ouverture traduirait en musique ce qui se passe dans la pièce, ce serait un résumé
musical qui se suffit à lui-même. Wagner considérait que Beethoven avait décrit le déchirement de
Coriolan, conquérant romain passé dans le camp des Volsques après avoir été banni de Rome, pris
entre son désir de vengeance, et l'imploration de sa mère et de son épouse de ne pas détruire la Ville.
Ceci expliquerait l'alternance de passages violents et de mélodie tendre. Le dénouement est violent
aussi: Coriolan se donne la mort, et la musique s'éteint progressivement, jusqu'au glas.
Ce qui frappait, après cette première oeuvre, c'était l'excellence des jeunes interprètes!
Le Prélude de Tristan et Isolde de Wagner était la deuxième pièce du concert. J'avais entendu Tristan
et Isolde l'an dernier au Théâtre des Champs-Elysées, par l'Orchestre national de France, si vous vous
en souvenez. Contrairement à l'Ouverture de Coriolan, il s'agit ici d'un véritable prélude, qui introduit
la première scène, auquel répondra en miroir dans la scène finale de l'opéra, la Liebestod d'Isolde.
Musicalement, ce prélude évoque l'amour avoué des amants et inclut une dissonance musicale
célèbre, novatrice pour l'époque, portant en germe l'amour maudit qui se terminerait dans la mort.
L'Orchestre du Conservatoire interpréta Wagner tout aussi parfaitement que Beethoven.
Ci-dessous, Jean-Claude Casadesus et Ricarda Merbeth, qui interprétait Isolde.
La deuxième partie du concert était constituée de la Symphonie fantastique de Berlioz, une oeuvre
atypique en 5 mouvements, connue, et généralement très appréciée. Il s'agit encore d'une histoire
d'amour, celle, musicale, inspirée par les sentiments passionnés de Berlioz envers l'actrice
shakespearienne irlandaise Harriet Smithson. L'idée fixe de l'aimée Harriet accompagne Hector dans
cinq scènes de sa vie. Détail intéressant, en clin d'oeil: la Symphonie fantastique fut créée en 1830
au Conservatoire de Paris. Elle est plus proche du poème symphonique que de la symphonie classique.
La première partie s'intitule "Rêveries - Passions", Hector rêve de Harriet. Dans la deuxième partie,
il l'emmène au bal, dans une valse étourdissante. Voici la musique du 2è mouvement, sur laquelle un
passionné de Berlioz s'est donné la peine de commenter tous les détails musicaux, une curiosité anglophone.
Puis, Harriet accompagnait Hector dans une scène champêtre, évoquant (et influencée par) la
symphonie pastorale de Beethoven, autre grand émoi artistique de Berlioz, avec Shakespeare.
Après ce troisième mouvement bucolique, le compositeur était soudain pris d'angoisse dans le 4è
mouvement, "Marche au supplice", à l'idée que son amour méconnu était peut-être sans espoir.
Il s'adonnait à l'opium, rêvait qu'il tuait sa bien-aimée, et assistait à sa propre exécution.
Dans le cinquième et dernier mouvement, intitulé "Songe d'une nuit de sabbat", le compositeur
assistait à ses propres funérailles, en compagnie de créatures fantastiques, ombres et monstres,
auxquelles s'était jointe l'aimée. La conclusion est un mélange de ronde de sabbat et de Dies irae,
sonore et claquant, grandiose, furieusement romantique. Le public a adoré!
Jean-Claude Casadesus dirigeait son orchestre avec baguette, en faisant de petits signes
supplémentaires, des indications que l'on ne voit pas avec les orchestres composés d'adultes.
Il était en symbiose avec son orchestre, sans perdre de vue que malgré l'excellence des musiciens,
il s'agissait de jeunes qui avaient besoin d'être confortés dans la qualité de leur production.
Tout en leur témoignant beaucoup de respect, autant qu'à des professionnels aguerris.
Ci-dessous, il serre la main du premier alto, après avoir serré celle du premier violon.
Le concert s'est terminé dans la joie des auditeurs et les applaudissements, clameurs, bis.
Nous avons été charmés par le programme et par la grande virtuosité de ces jeunes gens,
dont certain(e)s étaient vraiment très jeunes. Aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas...
Merci à Tristan Labouret, élève en métiers de culture musicale, qui a rédigé le livret, très bien documenté.
En vous remerciant de votre patience pour l'ensemble du contenu de l'article.
Sylvie, blogmestre