J'avais fini par obtenir, à l'arrachée, une place pour la Flûte enchantée de Mozart, en représentation
actuellement à l'opéra Bastille. La place était pour la deuxième représentation, celle du 26 janvier.
J'avais acheté une place sur un lot de deux, et mon voisin de galerie avait acheté la deuxième place en même temps!
C'était un jeudi, soir de répétition hélas, mais je n'avais pas recouvré ma voix depuis le concert du 19 janvier,
et avais eu suffisamment de peine à décrocher cette place pour craindre que l'occasion ne se renouvelle pas.
J'étais à la dernière place au bout du 2è rang d'une galerie latérale, très près de la scène,
compte-tenu des proportions gigantesques de la salle, et très contente de la vue depuis ma place.
La salle était pleine, ce qui était normal, puisqu'on ne trouvait plus de places à louer!
L'orchestre de l'Opéra national de Paris et les Choeurs étaient dirigés par Henrik Nanasi. La mise
en scène était celle, récurrente, de Robert Carsen, et la représentation du 26 janvier était la 34è donnée
à l'Opéra Bastille dans cette mise en scène. Les décors de Michael Levine consistaient en un gazon
synthétique creusé de fosses (dont celle de l'orchestre, ceinte d'une couronne de gazon!), et un support
translucide vertical sur lequel étaient projetées les images d'un sous-bois au cours des saisons.
Pour les lecteurs qui ne connaîtraient pas l'histoire, La Flûte enchantée est un opéra en deux actes,
le dernier écrit par Wolfgang Amadeus Mozart, en 1791, en allemand, destiné à un public populaire.
Mozart, qui était initié à la franc-maçonnerie, est réputé avoir glissé dans son opéra des allusions
maçonniques. L'opéra évoque les amours contrariées que vivent deux hommes qui se rencontrent par
hasard, Tamino, Prince, et Papageno, oiseleur. Pour délivrer la belle Tamina, fille de la Reine de la Nuit,
du joug de Sarastro qui l'a enlevée,Tamino va devoir traverser des épreuves, ce qu'il fait avec courage
et détermination. Papageno qui vit du commerce des oiseaux est un épicurien qui souhaite seulement
rencontrer une compagne, avoir bonne chère et boisson assortie! Trois dames surveillent Papageno
et sauvent Tamino d'un serpent mortel. Trois jeunes garçons les guident dans les épreuves.
Chacun trouve sa chacune, mais on les empêche rapidement des se parler. Sarastro est le chef d'une
bande d'initiés, qui finit par intégrer les deux hommes, après leurs épreuves. Et tout le monde se
réconcilie, la Reine de la Nuit oublie sa fureur, Sarastro devient sympathique, les amoureux convolent...
Cela donnait hier soir: Tamino en blanc, pieds nus, sort d'une fosse funéraire creusée dans le gazon, où était le serpent.
Les trois dames arrivent, toutes de noir vêtues et le visage couvert d'un voile noir, et snappent le serpent, qui devient
raide mort. Un hurluberlu avec rucksack et flûte de Pan arrive depuis le parterre, c'est Papageno, qui raconte à Tamino
qu'il capture des oiseaux pour la Reine de la Nuit (qu'il stocke dans une glacière en plastique bleu, pauvres piafs!), et que
c'est lui qui a tué le serpent. Crac, les trois dames réapparaissent et lui cadenassent le museau avec un bip à verrouiller
les voitures... pour cause de mensonge. Trois jeunes garçons aux voix d'anges, de blanc vêtus et pieds nus vont guider les
deux hommes vers Tamina, que la Reine de la Nuit, vêtue de noir comme une mamma italienne, leur a demandé de
retrouver. Tamina (ce n'est pas la même que sur la bande-annonce) est séquestrée en sous-sol par des hommes en noir
avec le visage voilé de noir (ça fait un peu penser à Dark Vador en version molle...) elle est vêtue de blanc et nu-pieds.
Il y a une séquence tombeaux avec squelettes, on est en-dessous de ce qui était visible au début. Je comprends, en ma
qualité de non-initiée, mais qui a lu un peu, qu'il s'agit de l'initiation maçonnique de Tamino et de Papageno, et que
les épreuves qu'ils traversent, la confrontation à la mort par les cercueils, et aux éléments naturels, le silence, sont les allusions
maçonniques glissées par Mozart dans son opéra. Dans les éléments, le feu et l'eau étaient spectaculaires, les choristes
étaient emballés individuellement dans des suaires blancs, et des rampes de gaz s'allumaient progressivement dans le
gazon. Tamino et Papageno, même pas peur, franchissaient tout cela, et, alors que je m'inquiétais que le gazon prenne
feu, il fut abondamment douché par en haut, et les choristes dans leur suaire avec... Plus tard, Tamina descendit l'allée
centrale du parterre avec un grand couteau pour couper la corde à laquelle Papageno souhaitait se pendre... j'espérais
que personne dans le parterre ne ferait une crise cardiaque à cette vue! Papageno qui avait rencontré une zombie au
royaume du sous-sol se morfondait quand une Papagena toute pimpante avec rucksack, vint le rejoindre pour le duo
pa-pa-pa-pa-pa-pa-pa, très réussi et très applaudi. Dans le rucksack, il y avait de la layette, on n'est pas plus explicite!
Enfin, il y avait de l'idée, et matière à retrouver la jovialité souhaitée par l'auteur. Cependant, le côté
manichéen du noir et du blanc des costumes m'a semblé forcé, et que dire de la vision de la femme?
(mais là c'est la faute à Wolfy!) Surtout, l'habillage des personnages tous en noir ou tous en blanc ne
permet plus de les différencier pour le spectateur. Et comment ne pas regretter que la voix remarquable
de la Reine de la Nuit et son contre-fa n'aient pas bénéficié d'un costume coloré digne de l'exploit?
Mes coups de coeur musicaux ont été à la Reine de la nuit, interprétée par Albina Shagimuratova,
et aux trois jeunes garçons de l'Aurelius Sängerknaben Calw qui guidaient Tamino et Papageno.
Ci dessus, au centre la Reine de la nuit, et à droite au premier rang les trois jeunes solistes.
L'opéra s'est terminé vers 23h40, très applaudi, rappelé, bissé, je suis ressortie de la galerie en ratant une marche
dans le noir... émoi du 2è voisin de rangée! Il était 23h45 et j'avais encore 45 minutes de retour à effectuer!
Sylvie, blogmestre