La Maîtrise de Notre-Dame de Paris et de jeunes musiciens du Conservatoire national supérieur de
musique et du Pôle supérieur de Paris Boulogne Billancourt donnent en la cathédrale deux soirs
d'affilée la Passion selon Saint-Jean de Jean-Sébastien Bach, les 9 et 10 mars.
J'étais hier soir au concert du 9 mars, et rédige l'article correspondant à cette Passion selon Saint-Jean
avant de compléter l'article précédent, car le concert du 10 mars, ce soir, mérite vraiment le déplacement,
pour les personnes qui liront ce blog aujourd'hui, et aiment cette œuvre de Bach. J'ai vu cette œuvre
trois fois en concert, c'est l'interprétation la plus aboutie qu'il m'ait été donné d'entendre.
Arrivée avec une demi-heure d'avance, il y avait déjà beaucoup de public à l'intérieur de l'église. Une estrade
avait été dressée pour les musiciens et les choristes, ce qui était une bonne chose. Mais, curieusement,
cette estrade était au fond de la cathédrale. Encore plus curieusement, toutes les chaises de la nef avaient été
retournées vers le fond de l'édifice. Sur le moment, sous l'effet de la surprise, je n'ai pas trop réfléchi,
et trouvé sans difficulté une place au 4è rang en partant de la scène, d'où je voyais bien.
Il y avait plus de solennité dans ce concert que dans ceux auxquels j'assiste habituellement sous les voûtes
de Notre-Dame, pas de famille ou d'amis qui prenaient des petites vidéos pour aller ensuite signaler sur les
réseaux sociaux qu'il y avait un "super concert de la Maîtrise à ND". L'ambiance était très différente.
Le fait de tourner le dos à l'autel, pour une Passion, de surcroît, m'a personnellement gênée. Heureusement, il y avait un
Christ en croix sur le côté de la cathédrale, et un ange à trompette au dessus de la scène, en veilleurs.
Les musiciens firent leur entrée sur scène à l'heure prévue, suivis des choristes de la Maîtrise, qui se
placèrent sur deux rangs derrière eux, puis l'oeuvre commença, par une introduction musicale, suivie
du choeur « Herr, unser Herrscher », qui expose l'oeuvre. Je n'ai pas chanté la Passion selon Saint-Jean de Bach,
mais j'ai chanté celle de Heinrich Schütz, dont le récit évangélique est identique, ce qui aide beaucoup pour suivre. Seuls
les ajouts de l'un ou l'autre compositeur diffèrent, Bach commentant le récit dans ses chorals et arias, qui ponctuent l'Evangile
de Jean. Comme il le fait habituellement, Bach souffre avec Jésus, qu'il appelle tour à tour "Seigneur"
et "mon Jésus", ce qui traduit une grande affection, et une relation spirituelle intense. La Passion
selon Saint-Jean précède, dans l'oeuvre de Bach, de trois ans la Passion selon Saint-Matthieu,
plus longue, et d'écriture plus complexe (avec notamment un double choeur et un Knabenchor au début). Il y a
dans Saint-Jean par Bach des prémices de Saint-Matthieu, des morceaux de chorals qui seront
repris ultérieurement, et le "Wohin, wohin?" du choeur, ici en réponse aux solistes, alors que c'est le deuxième choeur
qui répond au premier dans Saint-Matthieu (vous en souvenez-vous camarades choristes, pour ceux qui l'ont chantée?)
C'est Mendelssohn qui a ressuscité les deux Passions de Bach, si l'on peut dire, tombées dans l'oubli
au XVIIIè siècle Le choeur de la Maîtrise comportait une trentaine de choristes, et le nombre de musiciens
était voisin, il y avait une dizaine de solistes. L'ensemble était sonorisé, je pense que le son était optimal
partout. Le récitant est ténor dans cette oeuvre, et Jésus est basse. La voix d'alto dans les arias était tenue
par un contre-ténor qui avait une couleur vocale voisine de celle du récitant, musicalement en continuité.
Ce qui m'a frappée, étant au quatrième rang, c'est le fondu des voix. Comme je viens souvent aux concerts de la
Maîtrise, je peux identifier tel ou telle choriste, à son timbre, mais les choristes présents se fondaient toujours dans
l'ensemble, ce qui traduit une grande habitude de chanter ensemble, et un professionnalisme . Bravo!
Le choeur et l'orchestre étaient dirigés par Philippe Pierlot, jeune chef belge très primé et spécialiste des
musiques des XVIIè et XVIIIè siècle, et de la redécouverte de pièces rares. On lit aussi dans sa biographie
évoquée par le livret une information insolite qui m'a fait sourire, et le rend encore plus sympathique: il a interprété la bande-
son du film "Tournée" de Matthieu Amalric, bel éclectisme! Le choeur avait été entraîné par Henri Chalet, qui est le
chef de choeur de la Maîtrise de Notre-Dame de Paris, et vint saluer à la fin du concert. La Maîtrise
avait fait un très beau travail sur cette oeuvre, en finesse, en harmonie, et en puissance. Les jeunes
musiciens se sont montrés excellents, et les solistes étaient superbes. Plusieurs choristes sont
intervenus dans des petites phrases de solistes, interprétant Pierre, une servante, Pilate, un garde.
Nous avons beaucoup applaudi, et les jeunes artistes sont venus saluer avec de grands sourires.
Je n'ai pas vu de caméras... Notre-Dame est équipée d'un dispositif qui permet de filmer et de télédiffuser les messes,
j'espère que ce concert a été ou sera enregistré, il serait dommage qu'il ne le soit pas, j'espère que la
disposition inversée de la cathédrale ne rend pas la prise de film vidéo impossible... Pour ma part, pensant que
ce concert était enregistré, je n'ai pas fait de petites vidéos. A nouveau: si vous aimez la Passion
selon Saint-Jean, Bach, et que vous êtes libres ce soir, je recommande chaudement ce concert.
En passant, j'ai pris une photo de la nef disposée à l'envers, et me suis demandé quelle était la raison de cette disposition.
J'avais fait état sur ce blog de chaises tournées à 90° dans la cathédrale de Strasbourg, pour le concert du 40è anniversaire
du Conseil de l'Europe, pour des raisons acoustiques. Mais Notre-Dame de Paris est très bien sonorisée et les concerts
qui ont habituellement lieu devant l'autel sont auditivement excellents... Toute ma sympathie aux personnes qui
vont remettre ces chaises en place! Nous sommes ressortis par la porte latérale du transept à gauche,
dans la rue, sous les gargouilles qui se découpaient, éclairées, sur le noir du ciel.
Sylvie, blogmestre