Il y a actuellement, et jusqu'au 14 février, à la Maison de la Radio, un festival de création musicale
italienne, Oggi Italia ! Cet événement est accessible en faisant l'acquisition d'un passe et en choisissant les
concerts auxquels l'on souhaite assister (si vous réservez en ligne, je vous conseille de choisir les concerts
d'abord, puis d'acheter le passe, que l'on vous imposera pour conclure la transaction).
Hier soir, j'assistai au concert n°8 du Festival, il s'agissait de musique contemporaine.
La population dans l'auditorium était regroupée au parterre et en corbeille, où je m'installai, du côté
des premiers violons. Le programme m'était complètement inconnu, c'était une soirée découverte.
Le concert commençait par une pièce de Marco Stroppa, intitulée « Metabolai », qui relevait de la
musique expérimentale, et des sons alternatifs que l'on peut obtenir à partir des instruments de musique.
Ainsi, nous vîmes deux hautboïstes utiliser leurs instruments sans l'anche, ce qui produit des bruits d'air,
puis faire claquer les clapets des-dits instruments sans souffler dedans (le bruit de clapet est un son dont on
se passerait volontiers, quand on joue d'un instrument à vent!), mais aussi un bel envol de timbales. Vint ensuite
une pièce plus articulée de Stefano Gervasoni, intitulée « Un leggero ritorno di cielo », pour 22 cordes.
Le compositeur qui était présent dans la salle nous parla de Bach qui avait inspiré son œuvre, et nous
chanta même quelques mesures de la cantate particulière où il avait puisé l'inspiration. Il parlait français
avec un charmant accent italien, et expliqua qu'il avait fait chuter la cantate. Les cordes jouèrent l'oeuvre
dans un registre aigu, avec effectivement une impression de chutes répétées, j'y ai aussi
décelé des expressions animales, chats et mouches, mais c'est peut-être mon imagination !
La troisième œuvre était encore plus construite, et s'appelait « Times like that », de Ivan Fedele, qui
était dans la salle et monta sur scène lui aussi. L'orchestre était au complet, avec une soliste soprano,
Valentina Coladonato, qui pouvait chanter très aigu super pianissimo, ce qui emporte toujours mon respect. Ivan Fedele
nous expliqua que l'oeuvre était pour soprano et orchestre, la partie de la soprano consistant en textes en
anglais de Lech Walesa, Barak Obama, et Aung San Suu Kyi. J'aime beaucoup celui-ci, du président Obama :
« It's easy to sing when times are good. But hard to sing in the face of taunts, and fear, and the constant threat of violence,
amidst the deafening silence of inaction. » La soprano était gracieuse et talentueuse et fut applaudie et rappelée.
Après l'entracte, nous écoutâmes la création mondiale d'une commande de Radio France à Alberto Colla,
intitulée « Sérénade sur la modulation des vents ». Le compositeur était dans la salle et monta lui aussi
sur scène, mais il ne parlait pas le français, et la présentatrice du concert ne parlait pas l'italien. Ce fut le chef d'orchestre,
Enrique Mazzola, de nationalité espagnole, dont on nous dit qu'il parlait très bien l'italien mais moins bien le français, qui
assura la traduction (avec brio). L'oeuvre revendique une écologie du son, un aspect psycho-acoustique,
et des solutions tantriques d'orchestration... C'était agréable, faisant par moments penser aux
tourbillons de l'eau dans Vltava de Smetana, avant la grande phase mélodique finale.
Les deux dernières œuvres du concert étaient de Bruno Maderna, la première s'intitulait « Serenata per
un satellite ». De fait, la partition, que nous montra Enrique Mazzola, décrivait une trajectoire erratique de portées sur
format A3, et n'était certainement pas une sérénade pour satellite géo-stationnaire ! Le chef d'orchestre nous expliqua
qu'il s'agissait d'un système aléatoire, et que la direction était improvisée, renouvelant l'oeuvre à chaque fois.
L'on apprit aussi que les indications de volume étaient « pianissimo à forte », donc nuances ad libitum.
La partie de flûte soliste fut interprétée par une flûtiste en robe longue de velours dévoré noir, que j'ai trouvée très jolie.
L'oeuvre était encore plus construite que les précédentes, le concert allait crescendo dans la construction,
comme nous pûmes le constater dans la dernière œuvre. Il s'agissait d'une deuxième œuvre de Bruno Maderna,
intitulée « Music of Gaiety », interprétée par les cordes en formation de taille moyenne, deux bassons
et trois hautbois, et un très beau duo de hautbois et violon. Surprise de taille, la musique de gaieté était
du type musique de chambre néo-baroque, donc parfaitement construite, mélodieuse, et respectant
toutes les règles de la musique classique ! Les bois jouaient le thème, qui était repris amplifié par
les cordes, avec des interventions du duo de solistes aux hautbois et violon.
J'ai pensé que cette musique néo-baroque avait pu inspirer un groupe italien de musique pop néo-classique qui a eu
un grand succès dans les années 80 en pratiquant les mêmes dialogues instrumentaux, Rondo Veneziano. L'oeuvre
de Maderna est néanmoins plus complexe. Nous avons été saisis par cette intrusion de musique mélodique
néo-classique en fin de concert, au point qu'Enrique Mazzola et l'orchestre ont dû attendre un peu les
applaudissements de la fin. Mais c'était très réussi ! J'ai été sensible à l'interprétation graduée d'oeuvres
déstructurées jusqu'à la structure très contraignante (mais habituelle pour les musiciens et le public) du
néo-baroque, il y avait autant d'attention et de précision dans tout le concert, structuré ou pas,
bravo à l'Orchestre national d'Ile-de-France et à son chef !