Hier soir 19 novembre c'était la reprise des concerts à la Philharmonie, qui avait interrompu
ses manifestations publiques depuis le 14 novembre. Une queue impressionnante de public
attendait devant l'entrée pour montrer patte blanche, en l'occurrence ouvrir son manteau et
son sac aux vigiles, avant de pouvoir faire flasher son ticket de concert.
J'ai été la dernière personne à entrer dans la salle par la porte indiquée, on m'a dit de m'asseoir à la première place
libre car je ne pourrais pas gagner la mienne avant le début du concert. J'ai gagné trois rangs au change et quelques
places vers les violons... Le concert « Petite Russie » prévu comportait une œuvre courte d'Anna Clyne,
un concerto pour piano et orchestre de Rachmaninov, et une symphonie de Tchaïkovski,
interprétés par l'Orchestre national d'Ile de France, dirigé par Enrique Mazzola.
Il y eut un préambule de l'administration de la Philharmonie, nous remerciant d'être venus
si nombreux à ce concert de reprise, et nous informant que le programme allait être un peu modifié.
Puis Enrique Mazzola nous informa que le concert débuterait par une pièce supplémentaire, en
hommage aux victimes des attentats, l'Adagio de Samuel Barber. Une très belle pièce, d'interprétation
recueillie, empreinte d'une grande émotion, et d'une grande dignité, dirigée sans baguette, à mains nues.
Puis l'orchestre enchaîna avec le concerto pour piano n°2 de Sergueï Rachmaninov. Le solo de piano
était joué avec virtuosité par Jean-Efflam Bavouzet. Il y a dans le livret de la soirée l'anecdote croustillante,
que je vous rapporte, d'un sémillant jeune Rachmaninov jouant imprudemment du piano devant le vieux Tolstoï,
lequel explose : « Je déteste tout cela ! Qui a besoin de votre musique ? » Eh bien... nous, par exemple ! Le concerto
est très beau, (le second mouvement est très connu et, nous dit le livret, a été utilisé dans la musique pop, citant
David Bowie... je citerais aussi Elton John, pour ma part) le pianiste est très applaudi, et reçoit un joli
bouquet de fleurs blanches. Devant l'insistance du public, il nous joue une pièce pour piano seul,
que mon voisin identifie comme étant extraite d'une œuvre de Debussy.
Après l'entracte, la courte œuvre d'Anna Clyne nous est proposée. Il s'agit d'une création, cette pièce
a été écrite spécialement pour l'Orchestre national d'Ile-de-France. Elle se réfère au poème de
Charles Baudelaire intitulé « Harmonie du soir » : « le violon frémit comme un cœur qu'on afflige [...]
valse mélancolique et langoureux vertige ». L'oeuvre est intéressante, il y a une recherche de sonorités
inhabituelles (comme le son obtenu en grattant une lame de métallophone avec un archet, une longue vibration
plaintive qui sort en-dehors de l'orchestre et dure très longtemps...) , mais quand même de la mélodie, qui utilise
notamment les cordes graves de l'orchestre. Anna Clyne est dans la salle et vient saluer avec les
musiciens, sous les applaudissements. Puis c'est la symphonie n°2 de Piotr Ilitch Tchaïkovski,
surnommée « Petite Russienne », car elle évoque l'Ukraine, dont elle reprend des airs populaires.
Il y a un cor solo juste devant moi, qu'Enrique Mazzola viendra faire lever au moment des saluts.
La symphonie est très belle et l'interprétation magistrale. Le chef se donne physiquement! A la fin,
l'expression de son visage ressemble à celle du coureur de fond qui a franchi la ligne d'arrivée. Il est très sympathique,
cordial, souriant, il passe très bien auprès du public. Lui aussi reçoit un bouquet de fleurs, rouges cette fois
(je suis ravie de ces bouquets à destination des messieurs !), qu'il brandit, va poser en coulisses, et revient diriger
un bis, qui est « une surprise polonaise de Cracovie ». Mon voisin sèche sur le titre de la surprise, et moi aussi...
Nous ressortons toujours aussi nombreux, et un gros troupeau de mélomanes mouillés de pluie se dirige,
de concert, vers le métro, qui diffuse et re-diffuse son message pré-enregistré pour contenir l'afflux...
Sylvie, blogmestre